Mykhaïl Semenko (1892-1937)


Père du futurisme ukrainien, le poète partage le sort tragique des représentants de la "Renaissance fusillée"

Mykhaïl (Mykhaïlo) Semenko est né le 31 décembre 1892, dans le village de Kybyntsi (district de Myrhorod, région de Poltava), dans la famille d’un clerc municipal. Sa mère qui n’a fait ses études qu’à l’école primaire, a été une écrivaine autodidacte. Elle est auteur de quelques récits publiés sous son nom de jeune fille – Mariya Proskourivna.
Le frère de Mykhaïl Semenko, Vassyl, a été un peintre de talent qui a été à côté de son frère poète aux débuts du mouvement futuriste en Ukraine. Vassyl Semenko a péri jeune sur le front d’Ouest de la guerre. Un autre frère de Mykhaïl Semenko, Oleksandr, et leur sœur, Oleksandra, ont aussi écrit des poèmes, mais, tous les deux, ils sont morts jeunes de tuberculose.
Mykhaïl Semenko fait ses études aux lycées de Khorol et de Krementchouk. Puis, il part pour Saint-Pétersbourg. Dans la capitale russe, il fait ses études à l’Institut psychonévrotique, fondé par V. Bechterev. En même temps, il suit les cours de jeu de violon au Conservatoire. C’est à Saint-Pétersbourg que Mykhaïl Semenko commence son activité littéraire. A cette époque, il se passionne des théories futuristes. Ses études supérieures ne durent que trois ans, car la guerre commence. En novembre de 1914, mobilisé comme télégraphiste, il part pour l’Extrême Orient. Il a de la chance, la vraie guerre est loin, il est en sécurité.
 Ainsi, il passe trois ans à Vladivostok. Là, il épouse Lidia Horenko, issue de la famille des Ukrainiens déplacés. Il lui consacre plusieurs œuvres lyriques : à savoir, les cycles de poèmes « La Blessure d’automne » et « Pierrot est amoureux ». Les époux ont deux enfants, Iryna i Rostyslav.
Vers la fin de 1917, le poète quitte Vladivostok pour Soutchan, puis pour Harbin (Chine). Peu après, il se retrouve en Ukraine, dans son village natal. En avril 1918, il vit déjà à Kyïv. Là, à l’époque de la guerre civile, il est arrêté, mais il échappe au sort triste de ses camarades qui partagent ses activités dans la revue littéraire et artistique « Art » (Mystetstvo). De 1916 à 1922, il est membre du parti communiste.
La carrière soviétique « officielle » de Mykhaïl Semenko est plus que réussie et très diversifiée. En 1921, il fait partie de la délégation de RSSU qui est chargée de signer le Traité de paix de Riga. En 1922, l’écrivain travaille dans le consulat de l’Ukraine à Moscou. De 1924 à 1927, Mykhaïl Semenko est directeur du Studio de cinéma d’Odessa. En 1925, il est rédacteur dans la revue « Revue pour tous » (Journal dla vsikh). En 1926, il participe à la création du film « Taras Chevtchenko ». Dans ce film tourne sa future femme, Natalia Oujviy.
La femme et le fils de M. Semenko

Ils divorcent en 1936, ce qui permet à l’actrice soviétique très connue d’échapper aux répressions staliniennes abattues sur son mari. Ensemble, ils ont un fils, Mykhas’ qui meurt de méningite à l’âge d’étudiant. Jeune homme talentueux, lui aussi, il écrit des poèmes. La perte d’un fils unique est devenue pour Natalia Oujviy la tragédie de sa vie.
En 1929, Mykhaïl Semenko part en mission à Berlin. Ce voyage inspire les poèmes de son recueil « Allemagne ». En même temps, il est chef adjoint de l’Association Panukrainienne du Cinéma Révolutionnaire. En 1930, l’écrivain fait partie du jury international du concours de projets du monument à Taras Chevtchenko à Kharkiv. En 1931, il édite les œuvres en trois volumes de Vladimir Maïakovski. En 1932, il est membre du comité d’organisation de l’Association Unie des Écrivains Soviétiques. A partir de 1933, il fait partie de la rédaction du journal officiel littéraire, « Le Journal littéraire » (Literatournaya gazeta). En 1934, un des premiers, il devient membre de l’Association des Écrivains Ukrainiens et délégué du premier congrès des écrivains ukrainiens.
« La Nouvelle génération »

Comme poète, Mykhaïl Semenko débute assez tôt. Sa première œuvre est publiée dans la revue littéraire « La Khata ukrainienne ». En 1913, à l’âge de 21 ans, il voit paraître son premier recueil de poèmes « Prélude ». L’année suivante, paraissent deux recueils du poète – « Parcours » et « Querofuturisme ». Dans ces recueils, il s’affirme définitivement comme le représentant du futurisme. L’activité de Mykhaïl Semenko le futuriste est reflétée dans les revues « La Revue universelle » (Kyïv, 1918), « Flamingo » (avec participation du peintre moderniste, Anatol Petryts’kyi ; 1919), « L’Almanach de trois » (en collaboration avec Oleksa Slisarenko et Mykola Lubtchenko (Kost’ Kotko) ; Kyïv, 1920), « Le Gong du la culture communiste », « Le Boumerang », « La Révolte », « Le Catafalque des arts », « Le Sémaphore dans le futur. Le Dispositif des panfuturistes » (Kyïv, 1922), « Le Recueil d’octobre des panfuturistes » (Kyïv, 1923), etc.
Il fonde les groupes artistiques « Aspanfut » (Association des panfuturistes), « La Culture communiste » (Kominkult) et « La Nouvelle génération » (Nova hénératsiya ; Kharkiv, 1927-1931), ainsi que la revue éponyme. A la différence d’autres revues des futuristes, ce périodique, qui paraît jusqu’à 1930, réunit plusieurs artistes, écrivains et peintres (feuilleter la revue en ligne). La couverture de la revue « La Nouvelle génération » est rédigée en ukrainien et en français.
« La Nouvelle génération »
Ayant considéré que son activité doit symboliser la modernisation de la littérature ukrainienne, Mykhaïl Semenko observe avec une certaine jalousie le succès d’autres groupes littéraires, et notamment ceux de VAPLITE et de Lanka. Il s’acharne avec une critique virulente contre ses collègues. En résultat, plusieurs de ses collaborateurs l’abandonnent pour VAPLITE (entre autres, Oleksa Slisarenko, Mykola Bajan, Oleksa Vlyz’ko).
L’activité littéraire de Mykhaïl Semenko après la révolution est très fructueuse : entre 1918 et 1931, il fait paraître plus de 20 volumes, y compris ceux de ses Œuvres Kobzar (œuvres écrites en 1910-1922 ; Kyïv, 1924) et Œuvres complètes en 3 volumes (Kharkiv, 1930-1931).
Il est auteur, entre autres, des recueils de poèmes « Pierrot Querofuturisme » (1914), « Pierrot se livre » (1918), « Pierrot est amoureux » (1918), « Neuf poèmes » (1918), « Deux films-poésies » (1919), « Pierrot virevolte » (1919), « Bloc notes » (1919), « Câble-poème à travers océan » (1921), « Les Rayons de menaces » (1921), « Poèmes contemporains » (1931), « Poésie. Œuvres choisies » (1936), etc. Mykhaïl Semenko cultive dans sa poésie le vers libre. Chez lui, le vers deviens libre non pas seulement dans sa forme, mais aussi dans son contenu. C’est le côté novateur du poète. Avec son œuvre, il a préparé le terrain aux autres poètes ukrainiens soviétiques.
Le sort de ses collègues réunis par Jerzy Giedroyc sous le nom la « Renaissance fusillé » touche également le poète. Trois jours avant son arrestation, Mykhaïl Semenko anime encore la soirée littéraire à Kyïv. Comme il habite à Kharkiv et travaille à Kyïv, deux mandats d’arrêt sont délivrés par le NKVD. L’écrivain est accusé de l’activité contrerévolutionnaire, de la tentative du renversement du pouvoir soviétique en Ukraine à l’aide des fascistes allemands. Après de maintes tortures, l’écrivain avoue ses « crimes ». Le 23 octobre 1937, il est condamné à la peine de mort. Le jour même, Mykhaïl Semenko est fusillé. En URSS, ses œuvres ne sont pas publiés pendant plus de 50 ans. Il a été réhabilité à titre posthume.

LES JOURS IMPLACABLES (1917)

Patientent devant moi les jours de la frayeur –
Les jours implacables.
J’ai à supporter le froid, la chaleur
D’une bataille épouvantable.
J’envelopperai, envelopperai ma poitrine ferme
D’une carapace d’acier.
Qui, qui raturera mes traces ?
Pars dès l’aube.
A la campagne, des nuages, des fumées effroyables,
Les éclats aveuglants.
Patientent devant moi les jours de la frayeur –
Les jours implacables.

UN CORPS DE BRONZE

J’ai un corps de bronze
Sur le sable blanc
Combien d’éclairs ont brûlé
Sur la source claire
Combien de taches ont tremblé
Sur le visage de l’eau
J’ai un corps de bronze
Je suis jeune.



Traduit de l’ukrainien par Galyna Dranenko 

Natalia Oujviy
Le fils de l'écrivain Mykhas'

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