Markiyan Chachkevytch (1811—1843)

La vie de Markiyan Chachkevytch a été courte, mais fructueuse. En 32 ans de sa vie, il est devenu en Ukraine occidentale le premier poète populaire. Prosateur, publiciste et traducteur, il est auteur du premier livre en ukrainien, La Sirène de Dnister (Rusalka Dnistrovaya).

Markiyan Chachkevytch est né le 6 novembre 1811, dans le village de Pidlissya du district de Zolotchiv (dans la région de Lviv), dans une famille d’un prêtre. Il fait ses études primaires chez le sacristain du village, puis suit les cours à l’école allemande de Zolotchiv et, enfin, il étudie aux gymnases de Lviv et de Berejany.

En 1829, le jeune homme fait ses études au séminaire de Lviv et en même temps fréquente la section de philosophie à l’Université. C’est à cette époque de ses études que Markiyan Chachkevytch commence à écrire la poésie.

Le 21 février 1831, Markiyan Chachkevytch est exclu du séminaire pour la raison de « sa libre pensée » et la violation du régime de l’établissement. Très en colère contre son fils, le père de Markiyan Chachkevytch le renie. Le jeune homme reste alors à Lviv chez son oncle maternel Zakhar Avdykovs’kyi.

C’est le temps où Markiyan Chachkevytch s’engage activement dans l’autodidaxie. Il lit les ouvrages sur la culture slave, étudie Eneide d’Ivan Kotliarevs’kyi, la grammaire d’Oleksiy Pavlovs’kyi et le recueil des chansons folkloriques de Mykhaïlo Maksymovytch.

Après la mort de son père, en 183,3 Markiyan Chachkevytch prend en charge sa famille. Il se réinscrit au séminaire de Lviv et après l’avoir terminé, en 1838, il devient prêtre d’un village.

Markiyan Chachkevytch dirige un cercle de la jeunesse progressive « La Triade de Rus’ » (Rus’ka triytsya) qui défend la littérature ukrainienne, en se déclarant contre la polonisation de la population de Halytchyna. En 1834, le cercle de séminaristes de Lviv se transforme définitivement en organisation culturelle et instructive.

En 1835, Markiyan Chachkevytch entre dans la littérature avec son ode à l’empereur François I, La voix des Galiciens, publiée à Lviv. L’année suivante, la brochure polémique de Markiyan Chachkevytch, Alphabet et abetsadlo, est publiée en polonais à Peremychl. C’était la réponse d’un patriote ukrainien aux tentatives de la noblesse et du clergé ukrainiens d’introduire l’alphabet polonais dans la langue littéraire ukrainienne.

Tout en veillant au développement de l’instruction nationale, le dirigeant de « La Triade de Rus’ » compose en 1836 le premier Manuel de lecture en ukrainien. Malgré l’impératif besoin en manuel de lecture pour les enfants, la censure réagit contre lui. Seulement en 1850, Manuel de lecture est publié à Lviv par Yakiv Holovats’kyi et, depuis, on l’utilise avec succès aux écoles primaires de la Galicie.

En 1837, le cercle de Markiyan Chachkevytch voit son rêve le plus cher se réaliser : le premier livre en ukrainien populaire en Galicie La Sirène de Dnister est publié à Budapest.

Les problèmes financiers et les harcèlements permanents des autorités détériorent la santé délicate de Markiyan Chachkevytch (depuis sa jeunesse il est affecté par la tuberculose). En 1842, le poète s’installe à Novosilky dans le district de Novomylyatyn où il tombe gravement malade. La mort de son fils cadet provoque de vifs tourments et cause l’aggravation de sa tuberculose. Ayant perdu la vue et l’ouïe, paralysé, il souffre pendant quelques mois. Markiyan Chachkevytch meurt le 7 juin 1843.

Le patrimoine littéraire de Markiyan Chachkevytch n’est pas riche : une trentaine de poèmes, le récit Olena, ainsi que ses adaptations et traductions du slavon, du tchèque, du polonais et du serbe. Dans la littérature ukrainienne, la personnalité de Markiyan Chachkevytch se révèle sous plusieurs aspects : poète de génie, traducteur, patriote, humaniste, l’homme d’une grande culture et de grand courage civique.

Markiyan Chachkevytch est considéré à juste titre comme fondateur du lyrique patriotique dans la littérature ukrainienne. Il crée les liens organiques entre le sujet de la renaissance nationale et celui de l’appel à la lutte contre la réaction.

Sous la direction de Markiyan Chachkevytch les membres du cercle « La Triade de Rus’ » commencent à créer la nouvelle littérature en Galicie. En 1833, ils forment le recueil de manuscrits « Fils de la Rus’ » conservé jusqu’à nos jours. Il se compose généralement de poèmes des membres de ce cercle. Il faut croire que ce recueil n’était pas destiné à la publication, mais servait pour Markiyan Chachkevytch de l’épreuve de crédibilité face à ses collègues. Le recueil lance un appel à la réunion des forces patriotiques et à la renaissance nationale.

L’almanach L’Aube (Zorya) (1834) qui est le deuxième recueil du cercle de Markiyan Chachkevytch s’avère folklorique et littéraire. Le manuscrit de L’Aube n’est pas conservé. Pourtant, on sait que le recueil commençait par le portrait de Bohdan Khmelnyts’kyi et par l’essai de Markiyan Chachkevytch sur cet éminent chef des Cosaques. Il comportait de même les poésies des membres de « La Triade de Rus’ ». La censure interdit la publication de L’Aube .

Plus tard, une partie des matériaux de L’Aube apparait dans La Sirène de Dnister. Tout de même, de nombreux savants considèrent le contenu de L’Aube beaucoup plus audacieux que celui de La Sirène de Dnister.

Après l’interdiction de L’Aube, les membres de « La Triade de Rus’ » sont surveillés et persécutés par la police. C’est pourquoi Markiyan Chachkevytch et ses amis attendent l’occasion d’échapper à la censure de Vienne et de Lviv pour commencer le nouveau recueil. En 1836, les membres du cercle préparent le manuscrit de La Sirène de Dnister.

La Sirène de Dnister c’est le troisième recueil édité par « La Triade de Rus’ » ; Il est publié en 1837, à Budapest. Ivan Franko décrit son rôle ainsi : « Ce livre quoique comporte le contenu mineur et les idées vagues constituait le phénomène entièrement révolutionnaire pour son époque ».

Les militants slaves accueillent chaleureusement le recueil et l’apprécient beaucoup. La Sirène de Dnister a joué un grand rôle dans la renaissance de la culture nationale en Ukraine occidentale. Cette oeuvre est devenu le patrimoine important de la culture ukrainienne, le trésor spirituel de la nation et l’ouvrage précurseur d’une nouvelle littérature démocratique.

Markiyan Chachkevytch le premier, suivi par Ivan Vahylevytch et Yakiv Holovats’kyi commencent à collectionner les chansons populaires. Markiyan Chachkevytch localise ses recherches folkloriques dans son village natale, Pidlissya, et dans le village voisin, Knyaje. Pendant les études au gymnase et, puis, au séminaire, il acquiert plus d’une dizaine de cahiers avec les chansons folkloriques. Ses poèmes Désolation (Tuha), Fidèle (Virna), Détresse (Rozpuka), A ma chérie (Do myloї) et Au bord de Boug (Nad Bouhom) entre autres semblent être mises en musique et comportent beaucoup d’images et de procédés musicaux. Le poème lyrique de Markiyan Chachkevytch La Chanson de printemps (Vesnivka) est considéré par la suite comme une chanson populaire.

Lyrique recherché, Markiyan Chachkevytch aime les petites formes poétiques. Son unique intention d’écrire un poème intitulé Perekyntchyk bisurmanskyi est restée inachevée. Il a écrit seulement le début, trois chansons sur le vieux bandouriste[1].

Markiyan Chachkevytch écrit également en prose. Il publie son récit Olena dans le recueil La Sirène de Dnister, en le dénommant « conte ». Cette unique œuvre en prose de Markiyan Chachkevytch soulève la problématique sociale bien accentuée et elle manifeste l’évidente tendance antiesclavagiste. Avec son récit Olena, Markiyan Chachkevytch lance la thématique des résistants, surnommés « oprychky », dans la littérature ukrainienne. Les vengeurs de peuple tuent leur seigneur et ses valets lorsqu’ils rentrent au château après avoir ravi la mariée au jeune villageois Sémène. Une surprenante coïncidence se révèle entre le nom de famille d’un personnage principal Boïtchouk et celui du confrère d’Oleksa Dovbouch.

L’activité littéraire de Markiyan Chachkevytch a été de courte durée : de 1833 jusqu’à 1843, avec de longues interruptions à partir de 1837. Ses contemporains lui accordaient pourtant l’ampleur nationale. A son époque, Markiyan Chachkevytch est connu en tant que traducteur talentueux du serbe, du tchèque, du polonais et du grec. Le fragment survivant de son remake de La Geste du Prince Igor (Slovo o polku Ihorevym) (Lamentation de Yaroslavna) témoigne de grands égards de Markiyan Chachkevytch à ce monument de la culture. Il était le premier à traduire Le manuscrit de Dvůr Králové de Václav Hanka. Les articles de presse de l’écrivain sont aussi d’une valeur historique et littéraire considérable.



[1] Qui joue de la bandoura, instrument de musique ukrainien.

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