Mykola Koulich (1892-1937)


Représentant de la « Renaissance fusillé », Mykola Koulich est un des fondateurs du théâtre ukrainien du XX siècle. Ses pièces se placent parmi les meilleurs œuvres du théâtre européen. Leur mise en scène dans le théâtre « Berezil » de Les’ Kourbas a donné la possibilité à deux coryphées du théâtre ukrainien de montrer dans une synthèse du texte littéraire et du talent de metteur en scène les problèmes les plus poignants de l’époque.

C’est un des plus brillants et des plus originaux dramaturges ukrainiens de la première moitié du siècle passé. L’âge d’or de son œuvre tombe sur les années 1920 et le début des années 1930 – la période de la renaissance, de l’épanouissement et… de l’assassinat brutal de la culture ukrainienne. Mykola Koulich est né le 6 décembre 1892, dans le village de Tchaplynka, dans la région de Kharkiv. Sa famille vit dans la pauvreté. Dès son plus jeune âge, le petit Mykola est obligé de travailler. « J’aime la misère. Je l’aime de tout mon cœur » - écrira le dramaturge plus tard. Les privations matérielles ainsi que la vie dans l’orphelinat n’ont pas empêché ce garçon doué de terminer ses études à l’école primaire (1901-1905). En 1905, les intellectuels locaux, en prenant en compte les capacités extraordinaires du petit Mykola, ainsi que son aspiration à faire ses études, ont fait une collecte d’argent et ils ont inscrit le garçon au collège à Olechkiv (aujourd’hui Tsiuriupinsk). Mais cet argent n’a pas suffi pour que Mykola puisse terminer l’école secondaire et il s’est retrouvé dans un internat de l’école de la société de bienfaisance d’Olechkiv.
En 1908, vu son esprit rebelle, Mykola Koulich est exclu de l’école. A cette époque, pour la deuxième fois, ce sont les intellectuels qui viennent à son secours. Grâce à l’aide des jeunes professeurs, cet adolescent doué devient élève du gymnase masculin public. Là, il « édite » un journal manuscrit, il écrit des poésies et il met en scène des spectacles amateurs. Au gymnase, Mykola fait connaissance et se lie d’amitié avec Ivan Chevtchenko (qui a au gymnase le sobriquet « Jean »), c’est le futur dramaturge et prosateur, connu sous le nom d’Ivan Dniprovs’kyi. En 1913, le gymnase est fermé et Mykola, en espérant de recevoir quand même le certificat de fin d’études au gymnase, va au Caucase où il a été plus facile de passer les examens par correspondance.
Mykola Koulich veut continuer ses études à l’Université d’Odessa où il arrive le diplôme du gymnase en poche. La préparation pour les examens d’entrée est interrompue par la Première guerre mondiale. Mykola Koulich est obligé de s’inscrire à l’école militaire d’Odessa. Une fois les études terminées, il va au front. Contre la menace du tribunal, il quitte l’unité militaire sans autorisation et il va à Olechkiv pour se fiancer et faire ses adieux à sa fiancée, Antonina. Plus tard, au front, il trouvera la possibilité de l’épouser. Le capitaine en second, Koulich s’engage volontairement à quitter l’état-major et il va en première ligne. Même durant la guerre, il continue à écrire des poésies, mais aussi des pièces à un acte pour le cercle d’art dramatique où participent les soldats. En 1917, Mykola Koulich est élu député au congrès militaire du Front de l’Ouest qui a lieu à Loutsk, car il est considéré comme l’officier le plus compétent.
En 1918, après la guerre, Mykola Koulich rentre à Olechkiv et, tout de suite, il plonge dans l’activité culturelle et publique de sa ville natale. Il dirige le comité exécutif du Soviet municipal des députés. Dans le district Dniprovs’kyi, il organise le travail de la société culturelle et politique ukrainienne « Prosvita », en devenant son chef. Il essaie aussi de régler les affaires économiques pour assurer à la population locale l’approvisionnement des marchandises et les postes du travail. Il ferme la prison tsariste à Olechkiv avec l’intention de la transformer en atelier. L’année même, il s’inscrit au parti communiste. Mykola Koulich fait paraître un journal et il gère la section de l’éducation du district. Il contribue à l’ouverture des écoles ukrainiennes et des orphelinats, il écrit l’abécédaire « Pervynka ». A cette époque, pour la première fois, le dramaturge est mis en prison, car son activité durant la guerre « ne correspondait complètement pas aux intérêts de l’armée bolchevique ». Le comité exécutif d’Olechkiv demande la libération de Mykola Koulich sous sa responsabilité. Occupant le poste qui demande de voyager continuellement à travers le district, Mykola Koulich voit de ses propres yeux la tragédie terrible de la famine de 1921. Ce qu’il avait vu l’a poussé à écrire sa première œuvre – le drame 97.
En 1925, Mykola Koulich part pour Odessa. Là, il travaille dans le département de l’éducation et il achève sa première pièce, 97. L’année même, Mykola Koulich envoie sa pièce à Kharkiv (la capitale de l’Ukraine à l’époque). La première de 97 a lieu le 9 novembre au théâtre Ivan Franko. En 1925, tout juste un an après sa création, le drame 97 est mis en scène à New York et dans d’autres villes des Etats-Unis. A l’exigence de la censure, l’auteur est forcé de changer le dénouement de la pièce, c’est-à-dire, ne pas faire mourir son protagoniste. Cette « concession » provoque le mécontentement du dramaturge. « Il n’y a ici qu’une fin possible – écrit-il plus tard, – la mort d’un bolchevik dans le pays ravagé par la famine. Et si l’on change la fin, la structure interne de la pièce est détruite ». Deux forces se sont heurtées – la révolution et la famine, l’une enchaine l’autre. Et les deux n’apportent que la mort. Les thèmes de la campagne et de sa destruction trouvent leur place dans les pièces Une commune dans la steppe (1925, 1931) et Adieu la campagne (1933). Dans les œuvres de théâtre de Mykola Koulich, le comique et le tragique se mélangent souvent. Dans la pièce C’est comme ça que Houska a péri (1925), le héros est un personnage comique et tragique à la fois. La pièce Khouliy Khouryna (1926) est aussi une comédie. « L’Ukraine soviétique est une vraie maison des fous – écrit un critique d’époque sur la pièce, – deux canailles qui font semblant d’être des boss du parti, durant une certaine période dupent toute une cité avec les fonctionnaires locaux du parti à la tête ». La pièce la plus célèbre de Mykola Koulich est Myna Mazaïlo.
Mykola Koulich lit à la troupe du théâtre "Berezil" sa pièce Malakhiy populaire,
à sa droite - Les' Kourbas.

Dans les mélodrames La Zone (1926) et L’Impasse (1929), le dramaturge traite les thèmes de la renaissance de l’idée révolutionnaire et de la catastrophe du fanatisme présents dans ses pièces antérieures. Dans la pièce Malakhiy populaire, les communes et le fanatisme communiste transforment le socialisme en un rêve malade, il est compris comme quelque chose d’utopique et comme une expérience sociale et psychologique dangereuse. Le héros de la pièce, Malakhiy Stakantchyk (en ukr. « Le Godet »), épris de l’idée de la perfection morale de l’humanité, devient fou à la fin de la pièce. La foi fanatique en un « ciel bleu » cause même sa mort. La première de cette pièce résonnante a lieu sur la scène de « Berezil », le 31 mars 1928, mais elle est fortement critiquée et donc interdite à la mise en scène.
A cette époque-là, Mykola Koulich est le chef du groupe littéraire VAPLITE. C’est le début de la période de la destruction de la littérature ukrainienne renaissante. En 1927, Mykola Koulich et d’autres membres de VAPLITE sont obligés de voter l’exclusion de l’organisation littéraire prolétaire de leurs collègues : à savoir, de Mykola Khvylovyi, de Mykhaïlo Yalovyi et d’Oles’ Dosvitniy. Plusieurs tentatives de sauver l’union des écrivains les talentueux d’époque (Ivan Dniprovs’kyi, Mike Johansen, Mykola Koulich, Petro Pantch, Youriy Smolytch, Pavlo Tytchyna, Youriy Yanovs’kyi, etc.) n’ont pas donné de résultat. Le 14 janvier 1928, VAPLITE a subi l’autoliquidation.
En 1934, Mykola Koulich est exclu du Parti Communiste pour avoir écrit « des pièces nationalistes contre le parti ». Le 8 décembre, lors des funérailles de son meilleur ami, Ivan Dniprovs’kyi, Mykola Koulich est arrêté. Suite à son arrestation, plusieurs manuscrits de l’écrivain disparaissent à jamais dans les archives de GPOU. L’audience du tribunal de 27-28 mars 1935, à huis clos, condamne un groupe de « nationalistes », y compris Mykola Koulich, à 10 ans de déportation aux Solovki. Le 9 octobre 1937, le dramaturge est condamné à mort. Le 3 novembre 1937, Mykola Koulich, ainsi qu’un grand nombre de représentants de l’intelligentsia ukrainienne, sont fusillés ce jour-là.


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