Mike Johansen (1895-1937)

Il est, d’une part, un des plus grands maîtres de la langue poétique, le ciseleur du mot, un représentant impressionnant du romantisme moderne des années 1920, poète, prosateur, traducteur, théoricien de la littérature et un linguiste doué, et d’autre part, il est un passionné du sport, de la chasse et des voyages. Il mélange tout cela dans son travail d’écriture et il devient un des fondateurs de la littérature soviétique ukrainienne. En se tenant à l’écart de la politique, néanmoins, il fait parti de la « Renaissance fusillée ».

Mike Johansen est né en 1895, à Kharkiv. Son père (originaire de Suède) est professeur d’allemand. Il donne une bonne instruction à son fils. Mike (proprement dit Mykhaïlo) fait ses études au gymnasium russe et puis à l’Université de Kharkiv. Il y obtient sa formation philologique au département de linguistique. A part cela, il lit beaucoup et apprend quelques langues (latin, grec, anglais, allemand, italien, espagnol, français, quelques langues scandinaves et slaves). Mike Johansen fait une série de traductions d’une très bonne qualité. Il connait donc bien la littérature européenne.

L’époque de dénikivchtchyna [1] forge la conception du monde de Mike Johansen, elle révolutionne et « ukrainise » le jeune poète qui à partir de se révélation idéologique n’écrit qu’en ukrainien. Au début de 1920, Mike Johansen collabore avec Vassyl Elane-Blakytnyi, Mykola Khvylovyi, Pavlo Tytchyna, Volodymyr Sossura et avec autres jeunes écrivains de Kharkiv. Ensemble, ils créent les premiers manifestes de la « littérature ukrainienne prolétarienne », des almanach et la première organisation des écrivains ukrainiens prolétaires Hart (« Trempe »). A partir de 1925, il devient un des fondateurs de Vaplite [2], groupe littéraire ukrainien d’époque. Plus tard, il paiera cher sa participation. Après l’interdiction des activités de Vaplite par le pouvoir bolchévique, Mike Johansen entre dans le groupe d’écrivains qui cultivent le genre d’essai et de prose narrative dans la revue du type européen Ouj (« La Couleuvre »), une « Revue universelle » dirigée par Mike Johansen et Yuriy Smolytch.

Mike Johansen commence à faire publier ses œuvres en 1921 : ses poésies apparaissent dans le recueil « L’Alarme » et à l’instant même son recueil de poésies « D'hori » voit le jour. Il débute comme un poète expérimenté en cachant au lecteur ses jeunes années d’apprentissage. Le sort donne à ce maître de littérature seulement une dizaine d’années pour se réaliser. On dirait qu’il l’a pressenti, car il travaille dur et il arrive à mettre au jour huit recueils de poésies en tout: « D'hori » (1921), « La Révolution » (1923), « Le Prologue de Commune » (1924), « Le Cercle pas à pas » (1923), « La mise au point » (1924), « Le frêne » (1930), « Poésies »(1933).

Il travaille d’une manière intense dans le domaine de la prose, publiant un recueil de récits « 17 minutes » (1925). Il écrit également des romans et des nouvelles, dont seulement quelques extraits paraissent dans des revues (« L’Afrique », « A. A. » et d’autres). Dans la prose, il était un vrai expérimentateur. Dans son œuvre « Le voyage du docteur Léonardo à travers la Suisse », Mike Johansen fait coexister dans une intégrité magique l’aventure, l’humour, le lyrique, l’essai et le paysage merveilleux de Donetsk. Comme un théoricien de la littérature, il laisse aussi des articles critiques « Les lois élémentaires de la versification » et « Comment construire un récit ?». Comme critique littéraire et comme linguiste Mike Johansen est publié dans toutes les meilleures revues, les almanachs et les recueils des années 1920.

Dégustant les fruits de toutes les branches du grand arbre du modernisme européen et américain, Mike Johansen obtint les moyens de produire des traductions presque parfaites. Il aime la littérature et se perfectionne dans son métier. Comme un poète-philologue il aime la parole et la langue ukrainiennes, qui sont sa source d’inspiration, une mine infinie des riches minerais et des pierres fines verbaux. On remarque avec justesse, à propos de son recueil « Le frêne », que Mike Johansen a un grand bagage linguistique. Ce n’est pas en vain qu’il fait ses études à l’Université de Kharkiv – aujourd’hui Université Oleksandr Potebnia [3], qui étudiait déjà le mot comme une œuvre poétique. Mike Johansen utilise souvent dans la poésie les moyens narratifs, il découvre des possibilités poétiques dissimulées dans le mot le plus prosaïque. Comme un fin maître des groupes de sons, des allitérations, de la musique verbale, Johansen se sent à l’aise dans un jeu poétique.

En réalité, cet homme de haute taille, aux yeux verts, de taille élancée, est un philosophe clairvoyant et un bibliophile qui connait les choses dans leur plus fine mesure. Et avant cela, un fort pressentiment de sa mort prématurée habite depuis toujours son cœur (« Je sais, je mourrai... »). Et tout s’est passé comme « il fallait ». Le 18 août 1937 le poète est arrêté dans son appartement à Kharkiv, on l’accuse d’être un complice terroriste. Il est fusillé dans une prison de NKVD à Kyïv. Son nom est réhabilité en 1958. Ses œuvres sont republiés en Ukraine à partir de 1985.

[1]La Dénikivchtchyna - le régime blanc-gardien, celui de la contre-révolution russe fait par les dénikivtsy (du général Dénikine) au sud de la Russie et en Ukraine dans les années 1919 – 1920.

[2] Vaplite (Vilna academiya proletarskoï literatury) – abréviation de l’Académie Libre de la Littérature Prolétarienne

[3] Oleksandr Potebnia – philologue, fondateur du courant psychologique dans la linguistique slave

Kharkiv, 1927. VAPLITE (de droite à gauche). Assis : Pavlo Tytchyna, Mykola Khvylovyi, Mykola Koulich, Oleksa Slisarenko, Mike Johansen, Hordiy Kotsuba, Petro Pantch, Arkadiy Lubtchenko ; debout : Mykhaïlo Maïs’kyi, Hryhoriy Epik, Oleksandr Kopylenko, Ivan Sentchenko, Pavlo Ivanov, Yuriy Smolytch, Oles’ Dosvitniy, Ivan Dniprovs’kyi.

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