Olena Tèliha (1906-1942)


Patriote ukrainienne, poète, journaliste et critique littéraire, Olena Tèliha est fusillée par la gestapo dans le Babyn Yar

Olena Ivanivna Tèliha est née le 21 juillet 1906 dans le village d’Illins’ke, près de Moscou. Sa mère est la fille d’un prêtre orthodoxe et son père est un hydrotechnicien-praticien renommé. Quand Olena a cinq ans, sa famille s’établit à Pétersbourg. A partir de 1918, ils habitent à Kyïv. Olena y fait ses études au gymnasium de femmes, où elle apprend l’ukrainien, le russe, l’allemand et le français. En 1920, son père, ancien membre du gouvernement de la République Populaire Ukrainienne, et son frère aîné se trouvent en émigration en Tchécoslovaquie. Au printemps de 1922, la mère d’Olena, avec sa fille et son fils Serhij, parvient à quitter l’Ukraine soviétique. D’abord ils arrivent en Pologne, et en juillet de 1922, ils s’installent à Podyebrady en Tchéquie, où à l’époque son époux est le recteur de l’Académie Economique Ukrainienne. C’est justement en Tchéquie, qu’Olena obtient son bac. Plus tard, elle fait ses études au département de lettres et d’histoire à l’Institut Pédagogique Ukrainien à Prague. Là, elle fait connaissance avec Mykhaïlo Tèliha, qu’elle épouse sur le tard. C’est également en Tchéquie, qu’Olena Tèliha débute comme poète, journaliste et critique littéraire.
En 1939, Olena Tèliha déménage en Pologne. De plus que sa mère meurt à Varsovie, les soucis matériels s’abattent sur l’écrivaine : elle est obligée de faire les spectacles de musique dans des cabarets nocturnes et même travailler comme mannequin. Mais plus tard, elle réussit à trouver la place de la maîtresse à l’école primaire. Mais l’attraction pour son Kyïv natal vit toujours dans son âme. Le « tragique » Kyïv l’attend, et elle, ne soupçonnant pas le danger qu’il lui prépare, part, avec Oulas Samtchouk et ses quelques amis, pour la ville de sa jeunesse. Le 22 octobre 1941, elle revient donc à Kyïv.
En décembre 1939, à Cracovie, Olena Tèliha fait connaissance avec Oleh Olgytch (Kandyba). A la même époque, elle devient le membre de l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN) où elle travaille à ses côtés comme responsable de la culture et d’instruction. A Kyïv, Olena Teliha organise l’Union des Ecrivains Ukrainiens, fonde une station d’alimentation pour ses compagnons de lutte patriotique, collabore avec la rédaction de « La Parole ukrainienne » d’Ivan Rohatch et édite la revue hebdomadaire sur la littérature et l’art, « Les Timbales ».
Après l’arrestation des membres de la rédaction de « La Parole ukrainienne », Olena Tèliha ne prend pas au sérieux les décrets du pouvoir allemand nazi : elle ignore impertinemment et par principe les ordres des Allemands. Le 7 février 1942, commencent les arrestations. Les amis la préviennent que la gestapo dresse une embuscade dans la rue Triokhsviatytels’ka où se trouve le siège de l’Union des Ecrivains Ukrainiens. Elle s’obstine de partir. Lors d’une conversation privée avec M. Mykhaïlevytch, elle dit : « Je ne quitterai plus Kyïv, je ne partirai plus en émigration ! Je ne peux pas... ». C’est son choix délibéré, son chemin qu’elle suivra avec dignité jusqu’au dernier souffle. Ainsi Olena Tèliha va-t-elle vers la mort certaine, son mari Mykhaïlo la suit. Lors de l’arrestation de sa femme, il se déclare écrivain pour rester auprès d’elle.
Dans la gestapo de Kyïv, Olena Tèliha est emprisonnée dans la cellule № 34. Sur ses murs gris, elle laisse son dernier autographe : elle dessine un trident sous lequel elle laisse l’inscription : « Olena Tèliha y était et de ce lieu elle partira à l’exécution ». Le 22 février 1942, l’écrivaine-patriote ukrainienne avec son époux et ses compagnons de lutte ont été fusillés dans le Babyn Yar (Babi Yar) à Kyïv. Une croix en bois y est érigée en souvenir des membres de l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens fusillés par la gestapo. Le 31 août 2009, à Kyïv, le monument d’Olena Tèliha est inauguré dans le square en face du bâtiment № 12 de l’Université Technique Nationale de l’Ukraine « L’institut Polytechnique de Kyïv ».

Oeuvres poétiques d'Olena Tèliha:

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N'importe quoi ! Mais pas ces jours tranquilles 
Où les mots sont teints des mêmes couleurs, 
Où les pensées ne sont que braises 
Et les désirs enrobés de poussière. 
 Que souffle un vent de rire ou d'ironie, 
Pour que l'âme s'arrache à ces barreaux rouillés 
Qu'enfin quelqu'un crie : aime et tue 
Et qu'il vaille la peine de mourir ou de vivre. 
 Ne crains pas les jours difficiles, 
Les nuits sans sommeil et les matins aigres. 
Que le temps te marque de bien et de mal, 
Que le moindre mal embrase ton coeur. 
 Evite l'ombre ! Fais tiens les jeux brûlants. 
N'aie crainte d'affronter la lueur aveuglante. 
Il faut savoir attendre les orages 
Et l'éclair crevant les épais nuages.

A mon époux
La fenêtre n'est plus celle des jours tranquilles 
Fleuris de géraniums symboliques et rêveurs. 
Nous sommes à la croisée constante des chemins 
Qui vont vers on ne sait quel avenir. 
 Et parce que, dans leur prison, les murs 
Et les choses ont perdu toute emprise sur nous, 
Et que pas même un jour le désir de l'action 
Ne peut s'apaiser en nos jeunes âmes, 
 A quoi bon le bonheur des douces habitudes

Et des mêmes étreintes au foyer retrouvées. 
Peut-être que demain il nous faudra répondre 
 Au canon grondant son terrible appel. 
 Et le regard tendu veut chercher et trouver 
 Au milieu des sombres ténèbres 
 L'oeil fanatique de l'éclair 
 Et non pas le calme des nuits de lune.

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